• L’énigme géomorphologique de l’étang asséché de Marseillette (France - région Occitanie - Aude)

     

    Un nouvel astroblème ?

     

    Pré-étude

     

     

     

    1- Préambule

     

    Cet article inaugure une série d’énigmes géologiques et géomorphologiques rencontrées dans notre parcours professionnel. Ces articles chercheront à leur trouver une solution possible laissant augurer des origines sans doute parfois inédites, non résolues a priori jusqu’ici.
    Cette pré-étude sera suivie par des compléments si le présent communiqué suscite un débat/forum auprès de spécialistes validant ou invalidant nos solutions proposées, notre but n’étant pas d’imposer nos choix mais de faire avancer la géologie.

     

    2- Remarque préliminaire

     

    Cette pré-étude porte sur l’étang asséché depuis le début du XIXème siècle dit de Marseillette, du nom d’une des 6 communes couvertes par l’ancien plan d’eau. En fait, nous allons montrer qu’à l’origine l’étang était plus vaste et atteignait au nord une 7ème commune, Laure-Minervois, au-delà d’une mince crête surbaissée discontinue portant le village de Saint-Frichoux. Trois étroits passages toujours en place montrent que les plans d’eau étaient à l’origine en connexion jusqu’à ce que l’étang de Laure se comble naturellement par des apports alluviaux issus des ruisseaux descendus des crêtes du nord-ouest du bassin versant.
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    Fig. 1 - L’ex-étang de Cassini de la Fig. 5 est facilement localisable par son parcellaire et les rigoles rayonnantes de drainage au centre-droit de la photo. En bas, canal du Midi et plus bas encore, en limite de photo, les méandres de l’Aude. Toute la zone du bassin versant de la cuvette dessine une sorte de bulle presque ronde se terminant au nord-ouest par des aires boisées enveloppées de ruisseaux.

     

    3- L’évolution de la partie de l’étang Sud de Marseillette vu par Cassini jusqu’à son assèchement par la percée de la Rigole
     
    L’ex-étang Sud dit de Marseillette, à l’est de Carcassonne, couvre donc en réalité 6 communes audoises venant se fondre radialement en un point central de l’étang, coté 53 NGF, un peu à l’image du parcellaire de l’étang asséché de Montady-Ensérune vers Béziers. Ces communes sont dans le sens horaire : Marseillette, Aigues-Vives, Saint-Frichoux, Rieux-Minervois, Puichéric et Blomac.
     
    En fait, nous montrerons qu’il s’étendait anciennement vers le nord-ouest, jusqu’à Laure-Minervois, avant son comblement progressif naturel sans doute d’âge tardiglaciaire.
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    Fig. 2 - Vue générale sur carte de l’ex-étang (cercle orange) par rapport aux grandes villes avoisinantes.
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    Fig. 3 - Vue partielle avec au fond la montagne d’Alaric annonçant les Corbières
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    Fig. 4 - Vue d’un canal d’assainissement (début XIX siècle) participant aujourd’hui à l’irrigation et au dessalement des cultures.
     
    Cité dès le haut Moyen-Age pour ses « miasmes » paludéens ou autres, son assèchement aurait d’abord été entrevu par Sully mais réalisé plus tard, apparemment sous Louis XIII, par une Rigole d’évacuation le raccordant à l’Aude à Puichéric. Avant cette percée, aucun document ne laisse penser que l’étang avait un déversoir naturel.
    En progressant chronologiquement , cet étang semble avoir évolué au cours des siècles de la façon suivante (d’après Géoportail https://www.geoportail.gouv.fr/ et Infoterre https://infoterre.brgm.fr/ ) :
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    Fig. 5 - Carte de Cassini (1777) englobant non seulement le lac mais le périmètre de son bassin versant dans son ensemble, en forme de bulle SE-NW.
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    Fig. 6 - Superficie de l’étang sous Cassini (environ 18 km2)
     
    Plusieurs observations sont à noter sur ce document précieux :
     
    1) au nord-ouest, l’étang de Cassini ne dépassait pas la ligne discontinue de collines basses coupant l’étang en oblique, dont celle de Saint-Frichoux, isolant plus ou moins l’étang d’un autre large bassin, supposé lui aussi lacustre, situé au-delà vers le nord-ouest jusqu’aux abords de Laure-Minervois (en rouge sur la fig.5). Ce dernier était probablement comblé et asséché bien avant le XVIIIème par les apports alluviaux de divers ruisseaux convergeant vers lui depuis le nord-ouest,
     
    2) au nord, il côtoyait deux métairies dont deux qui existent toujours et qui permettent de calculer la cote du plan d’eau qui s’élevait à 55 NGF à ce moment,
     
    3) plus bas, vers le Sud, il visualise un déversoir sinueux confluant avec l’Aude à Puichéric. Il s’agit sans doute des restes de la Rigole creusée de main d’homme sous Louis XIII et éboulée faute de travaux de maintenance
     
    4) au nord-est, il est encadré de terrasses alignées bourrées de blocs et galets siliceux, plus ou moins larges, alors qu’au Sud ce type de plateaux devient plus étroit, discontinu et encadré par le Canal du Midi et l’Aude, les villages de Marseillette et Blomac étant bâtis entre les deux.
     
    5) partout ailleurs, il est bordé de coteaux présentant une texture « persillée » ou de bassins comme ceux de Aigues-Vives - Badens et du sud de Laure-Minervois déjà mentionné.
     
    6) on perçoit semble-t-il une direction générale de plus en plus divergente du Sud-Est vers le Nord-Ouest des coteaux de type « persillé », et surtout l’excentration de l’ex-étang par rapport au centre de la cuvette.
     
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    Fig. 7 - Carte de l’Etat-Major de 1820-1866. Bassin versant de la totalité de l’ex-étang asséché au nord-ouest de façon naturelle et au sud-est par la percée en 1808, vers l’Aude, de la Rigole de l’Etang (au centre - est). On notera bien sûr la même divergence que ci-dessus du réseau collinaire dans les zones « persillées » du nord-ouest.
     
    Sur ce plan, l’étang a disparu grâce au percement définitif d’une Rigole curviligne, profonde de 12 à 13 m, destinée à franchir le petit col faisant barrage aux eaux et bien entretenue depuis les travaux de 1808 retrouvés datés dans les archives. Une belle coupe terrassée récemment en rive gauche montre que cet obstacle est constitué sur plus de 6 m, non par un bombement du substratum comme on pouvait le penser, mais par des limons loessoïdes reposant sur du sable gris propre dégagé par des terriers. De 6 à 13 m, l’arrêt de la fouille ne permet pas de connaître la nature des terrains sous-jacents.
     
    On devine ici aussi la ligne des collines de Saint-Frichoux et tout contre, vers le nord-ouest jusqu’à Laure-Minervois (en rouge) l’étang primitif comblé puis enfin au-delà encore, la direction générale des coteaux s’évasant du sud-est vers le nord-ouest comme précédemment.
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    Fig. 8 -Bassin versant du site actuel. Carte Géoportail. La longueur maximale de l’étang de Cassini (bien visible en bas à droite grâce à l’absence du figuré « vigne », entre St-Eugène et Marseillette), est de 6,3 km et est strictement perpendiculaire à l’allongement maximal du bassin versant de superficie 92,44 km2
     
    4- L’évolution par comblement progressif de l’étang Nord de Marseillette disparu très probablement au Tardiglaciaire
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    Fig. 9 - Lac disparu de Laure-Minervois. Dessin approximatif de ses contours en raison de son colmatage par les arrivées de sédiments déposés par les cônes de déjection des ruisseaux affluents
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    Fig. 10 - Profil n°1. A droite, butte cotée 192 NGF constituant le point culminant du pourtour du lac disparu.
     
    Ce profil est très intéressant car il présente à lui seul la géologie et la morphologie de toute la partie Nord-Est du relief, coiffée par des terrasses anciennes à galets et surtout blocs plus ou moins émoussés de l’Argent-Double ( ?) et qui convergeait vers l’étang primitif. De haut en bas du profil on a ainsi, après avoir noté que la butte 192 redescend très vite vers le nord-est :
     
    - de 192 à 150 NGF environ, l’escarpement sommital éocène, coiffé de blocs et galets 0/250 mm, du glissement généralisé d’environ 12 km de long qui a affecté l’effondrement peu après son apparition, comme le laisse supposer la régularité morphologique du profil,
     
    -de 150 à 110, la partie concave classique du glissement comblée d’éboulis,
     
    -de 110 à 80, le bourrelet convexe terminal partiellement enterré par la sédimentation post-glaciaire ne permettant donc pas ici de nous donner l’altitude maximale atteinte par l’eau sur l’ensemble de l’étang,
     
    -plus bas, les alluvions-colluvions colmatant l’étang disparu.
     
    4- Géologie sommaire des abords de l’ex-étang :
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    Fig. 11 - Vue générale de l’étang (en gris foncé ; symbole K), de son bassin versant et du périmètre extérieur de ce dernier bordé par une boucle fermée d’alluvions quaternaires (en gris clair) surtout développées sur de vastes étendues au nord-est.
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    Fig. 12 - Vue agrandie de la carte précédente.
     
    Les zones roses représentent la molasse ocre-rouge à dominante marneuse de Carcassonne (Eocène e4-6: Cuisien ; Bartonien) à travers lesquelles les bancs « durs » de poudingues, grès et microconglomérats extrêmement banals sont visualisés par un figuré spécial. Les zones beiges sont des colluvions C, terme vague désignant en général sur les cartes des dépôts quaternaires de toutes origines, non identifiées (éboulis, alluvions résiduelles, etc.). Il s’agit en fait selon nous d’alluvions tardiglaciaires venues combler puis coiffer le lac Nord sur plusieurs mètres de sédiments
     
    Les éboulis du profil n°1 sont totalement ignorés malgré leur longueur linéaire de 12 kms du sud-est vers le nord-ouest (record absolu pour la molasse de Carcassonne) et leur épaisseur (sûrement près de 30 m au plus profond).
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    Fig. 13 - Tracés : 1) de la courbe d’alluvions quasi continues bordant l’extérieur du bassin versant de l’étang de la Fig. 8. Il est seulement interrompu au droit de la valeur de 50,21 km (figurée en jaune), par un col peu marqué coté 186 NGF séparant le ruisseau de NAVAL de celui du CLAMOUX. A noter que ce col est situé dans le prolongement des points culminants du bassin versant (241/242 NGF) de l’ex-étang proprement dit. Cette courbe ramène les eaux drainées vers l’Aude à l’ouest comme à l’est
    2) de la courbe située cette fois à l’intérieur du bassin versant et interrompue au droit de la valeur de 12,95 km par un col également « plat » coté 241.5 NGF séparant les ruisseaux de l’Escure de celui de La Grand Combe ramenant quant à lui les eaux vers l’ex-étang de Laure.
     
    5- Géomorphologie de l’étang et de son bassin versant.
     
    5-1 Démonstration de l’impossibilité d’un creusement d’origine éolienne
     
    L’étang asséché étant désigné par le symbole K sur la feuille géologique à 1/50 000 de Lézignan-Corbières du BRGM (cf. ci-dessus), nous citons in extenso la légende de la carte décrivant cette formation (les surlignages sont de notre main).
    « K. Dépôts de lacs et d'étangs asséchés. Des dépôts fins, limoneux, de fonds d'étangs existent dans la plupart des dépressions fermées des molasses éocènes (étangs de Marseillette et d'Azille) ou miocènes (à l'Est de Lézignan). Ces étangs ont été généralement asséchés depuis le Moyen-Age, alors que celui de Jouarres a été récemment remis en eau. Il s'agit de curieux cirques ovoïdes à fond plat, surcreusés par rapport au niveau des cours d'eau environnants et dont l'origine, inexplicable par des influences liées au sous-sol, semble éolienne. »
     
    Or, cette origine semble totalement invraisemblable comme nous allons tenter de le montrer.
     
    1) Il est dit que les cours d’eau affectés de ce symbole sont surcreusés par rapport au niveau hydrographique. C’est le moins que l’on puisse dire.
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    Fig. 14 - Profil transversal sud n°2 unissant l’Aude (à gauche) au fond asséché de l’étang. Le profil passe par le point coté 100 NGF d’une ancienne terrasse audoise ( ?) datée, sans preuve, par la carte géologique, du Mindel.
     
    Le fleuve coule aujourd’hui à +8m au-dessus de la cuvette auxquels il faut rajouter les 5.5 m de vase trouvée en forant un puits à la maison La Gravière (nom d’un ancien propriétaire de la métairie) et surtout une épaisseur inconnue supplémentaire de marnes et de grès du versant éocène qui canalisait jadis cette terrasse et peut-être même encore plus haut par une terrasse plus ancienne (Fv) comme celle de Fabas signalée au nord-est non loin du profil 1. De plus, on verra que l’on doit rajouter une quinzaine de mètres si le phénomène est daté comme on le pense du Würm IV, le fleuve ayant creusé depuis son lit de cette valeur approximative.
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    Fig. 15 - Profil transversal n°3, parallèle au précédent, calé au point où l’Aude coule au plus près de l’étang (730m). L’encoche en sommet de la bosse à droite indique le passage du Canal du Midi. Noter ici aussi la forte pente (exagérée par l’échelle) du talus aval totalement dépourvu d’indices de glissement de terrain et la contre-pente opposée offrant un long replat (terrasse audoise würmienne plus que rissienne d’après son altitude).
     
    Un fleuve perché à quelques dizaines de mètres au-dessus d’une dépression est sûrement unique en France, d’autant que nous montrerons que l’affaissement de la cuvette a été en réalité au minimum de 140 m au nord-est et de plus de 200 m en son centre par rapport à ses rempart naturels bien conservés au Sud et surtout à l’Est.
     
    On est en droit de penser qu’elle ferait sans doute partie des records mondiaux en matière de déflation éolienne si telle était son origine.
     
    3) l’abondance et l’épaisseur des roches dures éocènes qui occupaient jadis le site étaient absolument impropres au surcreusement sur de telles épaisseurs et surfaces comme le prouve le paysage environnant montrant partout ces roches soit en saillie au-dessus des marnes, soit disposées en dalles étendues - autour d’Aygues-Vives notamment (carrière) - ou le plus souvent incluses dans leur masse mais jamais « dissoutes » en sable volatil. En fait, on sait que ces roches ne sont pas continues horizontalement puisque ce sont d’anciens chenaux fluviatiles venus des Pyrénées, proches les uns des autres, souvent de forme serpentiforme, qui sinuaient dans des marécages (les marnes rouges d’aujourd’hui) à l’Eocène.
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    Fig. 16 - Panorama sur la dépression pris du plateau de Fabas (187 NGF) vers l’Ouest. Noter l’épaisseur des grès et microconglomérats disjoints par l’appel au vide du glissement généralisé des marnes sous-jacentes mais restés quasi intacts malgré la déflation.
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    Fig. 17 - Vue en coupe des mêmes roches (4 à 5 m)
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    Fig. 18 - Idem. Grès disloqués de la Fig. 16 permettant d’évaluer les mouvements du versant marneux sous-jacent probablement encore mal stabilisé.
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    Fig. 19 - Terrasse notée Fw2 sur la carte géologique et coiffant les grès précédents sur plusieurs mètres. Nombreux quartz minéralisés souvent cassés dont certains blocs peuvent dépasser 25 cm mais aussi descendre à la granulométrie du sable. Les conditions climatiques périglaciaires se marquent classiquement par la tendance vers la couleur ocre de la patine. Aucun dreikanter n’a été découvert.
     
    4) mais surtout l’argument décisif est que l’affaissement, qu’il ait été soudain ou pas, ancien ou pas, a dès son apparition été comblé d’eau :
     
    -par les infiltrations de la nappe phréatique perchée de l’Aude par le biais de la perméabilité des grès, poudingues etc.
    -par les eaux du bassin versant couvrant près de 100 km2.
    -par des invasions possibles des crues de l’Aude par le col de la dépression de la Rigole seulement haut de +12.5 m par rapport à l’Aude à Puichéric.
    Remarque importante : alors que l’Aude domine largement l’ex-étang à l’ouest à 60 NGF, elle compense, par une pente rapide à profil concave, à parvenir à se situer à -2/3m (50 NGF) sous l’ex-étang à Puichéric ce qui a permis son assèchement par la Rigole.
     
    Or, bien entendu la déflation sous-aquatique étant impossible, l’origine éolienne est définitivement à écarter d’autant que nous savons grâce à un autre site où des datations de poudingues ont été effectuées, (qui sera étudié prochainement dans la même rubrique), que l’effondrement s’est produit au Würm IV et peut-être plus précisément, mais sous toute réserve, il y a 35 à 40 000 ans. Cette période glaciaire - la dernière si l’on excepte le Dryas - a été caractérisée par le froid le plus intense connu au moment de toutes les glaciations.
     
    Remarque : pour les lecteurs peu familiarisés avec les dates reculées, ces valeurs sont géologiquement récentes puisqu’elles correspondent à la disparition des Néandertaliens.
     
    Fort de cette remarque, trois conclusions supplémentaires s’imposent dès lors pour la période glaciaire concernée:
     
    - le lac était fréquemment gelé donc impossible à surcreuser,
    - le permafrost périphérique ne se prêtait pas à la déflation. Bien au contraire, des preuves du comblement de l’étang par des loess (sédiment éolien datant quant à lui de l’extrême fin du Würm) est plus que probable comme les affleurements de la Rigole de l’Etang le montrent comme il a été dit,
    -et enfin la granulométrie des galets des poudingues (jusqu’à 50 ou 60 mm), ne se prêtant guère à un « envol » mais plutôt à une neutralisation du creusement par leur accumulation en fond.
     
    Aujourd’hui il est nécessaire d’alimenter la cuvette en eau pour assurer à la fois le dessalement des terres à l’aide des eaux de l’Aude prélevées par une galerie souterraine à l’amont de l’écluse de Marseillette et l’irrigation de la dépression.
     
    Remarque : l’origine du sel est à rechercher dans les embruns du « marin » captés par les eaux ou les glaces du lac rendues ainsi saumâtres. Ce vent venait de la Méditerranée toute proche, plus basse de 120 m qu’aujourd’hui - tout au moins au plus fort de la fin de la glaciation - et sans doute rendu beaucoup plus puissant par les extrêmes climatiques et par les vents catabatiques venus des Pyrénées. En revanche, les terres situées au nord de St-Frichoux en sont totalement dépourvues , la transition se faisant sur moins de 50m à St-Roch d’après le propriétaire des terrains.
     
     
    5-2 Recherches de solutions substitutives classiques pouvant expliquer le creusement de la cuvette
     
    Comme il est écrit sur l’extrait de la carte géologique de Lézignan cité au début du chapitre 5-1, le sous-sol ne se prête pas à d’autres solutions pour expliquer un creusement aussi profond et aussi vaste à fond plat. En effet, l’Eocène totalement inapte à se prêter à des effondrements verticaux reposerait sur une épaisseur inconnue (120 m à plus de 900m au sondage dit de Carcassonne) directement sur le socle hercynien.
     
    Or reconnaître que l’origine éolienne est à écarter définitivement, mène dès lors à une impasse en avouant qu’il n’y aurait pas d’origine terrestre possible connue.
     
    En l’absence de travaux miniers gigantesques, de remontées diapiriques salifères, gypseuses ou d’anhydrites du Trias, a priori donc absent entre l’Eocène et le socle primaire, un affaissement gigantesque de ce type ne pourrait être dès lors qu’un immense poljé karstique.
     
    Cette hypothèse ne peut être évacuée radicalement sans être examinée plus à fond d’autant que la région a subi la régression messinienne, il y a environ 5 millions d’années à la fin du Miocène. Lors de cette période la Méditerranée s’est quasiment asséchée en entraînant dans sa disparition un abaissement général du profil longitudinal de ses émissaires tels que l’Aude et une reprise de la dissolution karstique de tous les calcaires.
     
    Tout près de Marseillette, le gouffre de Cabrespine distant de 17 km du centre de l’étang a attiré notre attention. Mais au même titre que les responsables de la carte du BRGM, il ne nous semble pas possible d’incriminer, dans l’apparition de la cuvette, les calcaires dévoniens de ce gouffre, vieux de près de 400 millions d’années, dans lesquels il s’est développé sur une centaine de mètres reconnus. Plusieurs raisons à cela : la nature ayant horreur du vide, l’effondrement d’un karst d’une ampleur pareille n’aurait pas attendu les temps quasi modernes pour remonter jusqu’en surface. De plus, l’épaisseur cumulée des calcaires nous semble très largement insuffisante pour déboucher en surface avec une telle ampleur.
     
     
    5-3 : Origine liée à un impacteur venu de l’espace
     
    Nous n’aurions osé avancer une telle origine si la feuille géologique de Capendu ne signalait pas la possibilité de deux traces possibles d’astroblèmes à moins de 8.2 km du bord Sud de la cuvette de Marseillette vers Camplong-d’Aude. En effet, à l’exception du cas célèbre de Rochechouart (mais non comparable à celui de Marseillette par sa géologie et surtout son ancienneté ayant effacé tout indice morphologique exploitable), la France ne semble pas avoir encore recensé des évènements extra-terrestres aussi jeunes et d’une telle intensité, d’ailleurs rarissimes dans le monde, d’où une extrême prudence de notre part. L’expérience nous a d’ailleurs montré que les spécialistes en planétologie (à vrai dire limités à la prospection de sites trop peu nombreux et souvent vieux de plusieurs centaines de millions d’années) semblent mettre la morphologie au second plan en ne faisant confiance qu’aux découvertes pierreuses tels que les shatter cones, les impactites (roches terrestres transformées par la percussion et la chaleur induite) et les débris météoriques pour valider ou invalider les cratères d’impact. Or dans le cas d’une comète de faible densité, hypothèse à laquelle nous nous sommes définitivement rallié, nul ne semble savoir, d’après nos lectures, de quoi sont constitués ses éjectas si ce n’est de glace « sale » avec quelques débris rocheux enchâssés dans la masse.
     
    Or, c’est mésestimer selon nous les recherches des morphologues qui étudient les cratères de la Lune ou de Mars par exemple.
     
    Nous reproduisons in extenso le fameux extrait de la notice de Capendu précitée concernant le figuré C-F.
     
    C-F. Colluvions et alluvions de fond de vallon. On a groupé, dans cette rubrique, l'ensemble des formations superficielles de remaniement, autres que les éboulis et les formations ci-dessus décrites. Leur dominante est volontiers limoneuse, d'où leur mise en culture générale. Ces colluvions tapissent, sur des espaces souvent vastes, le fond de plaines d'ablation et comprennent, de plus, des glacis d'apports plus ou moins caillouteux, issus des proches versants ("formations de pente" de faible gradient). On a renoncé à tenter d'analyser la logique interne de ces formations, tâche méritant une cartographie particulière par des spécialistes. A noter, pour mémoire, les deux taches du figuré C-F reportées un peu en contrebas, au Sud de la crête de l'Alaric en pleins calcaires thanétiens. Il s'agit de deux cavités subcirculaires, bien distinctes des deux cirques d'érosion à fond rognacien. La plus occidentale contient des brèches de calcaire disjoint. L'hypothèse de dolines est peu convaincante. A la lumière de structures semblables décrites dans le Gard, il n'est pas absurde d'imaginer deux petits astroblèmes jumeaux (diamètre : 200 m), dont l'étude reste à faire.
     
    Remarques : les structures gardoises citées ne sont pas répertoriées sur internet. Il est intéressant de se rendre compte que les quaternaristes de la carte de Capendu ont localisé des objets beaucoup plus petits et difficiles d’accès que ceux de la carte de Lézignan.
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    Fig. 20 - Carte géologique de Capendu localisant (flèches bleues) les deux astroblèmes proches de Camplong-d’Aude avec le figuré C-F. L’étang se situe à 8,2 km vers le nord-ouest.
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    Fig. 21 - Vue aérienne des impacts présumés
     
    6- Résumé des observations rendant crédibles une hypothèse météoritique ou mieux encore cométaire
     
    Comme nous l'avons vu aucune solution d’origine terrestre n’est facilement envisageable à moins de procéder à une refonte et à une révision géologiques totales des formations situées à grande profondeur. En effet, à moins d’une concentration a priori inenvisageable, vérifiée par des sondages carottés de 1000m voire plus, d’évaporites ou de calcaires étalés sur de grandes épaisseurs, aucune autre explication n’est facilement acceptable. Seule une solution faisant appel à un impact d’un objet fragmenté venu de l’espace semble possible malgré son extrême rareté et des caractéristiques spécifiques inédites, chaque impacteur présentant des propriétés intrinsèques très variables : nature de ses composants, densité, vitesse, angle de la trajectoire, nature des sols ou roches terrestres percutés, etc.
     
    Nous avons cependant cherché à nous appuyer sur des sites plus ou moins ressemblants tel celui de Henbury en Australie qui offre un certain parallélisme avec notre étude même si une météorite en serait la cause ce qui nous semble douteux mais pas vraiment impossible à Marseillette.
     
     
    6-1) Comparaison avec les cratères de Henbury :
     
    Les cratères de Henbury constituent un groupe de 13 cratères météoritiques situé dans les Territoires du Nord en Australie.
    La zone est une aire protégée, appelée « Henbury Meteorites Conservation Reserve ». Les cratères sont les traces d'impacts qui ont eu lieu dans une zone habitée, ce qui est assez rare. Le site est situé à 175 km au sud-ouest d'Alice Springs et à 13 km de Henbury.
    Le plus grand fait 180 m de diamètre et 15 m de profondeur3, et les impacts datent de 4 200 ± 1 900 ans.
    Extrait de Wikipedia
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    Fig. 22 - Vue des trois cratères groupés principaux à fond plat, aux bords escarpés mais descendant en pente douce vers le terrain périphérique et séparés les uns des autres par des crêtes nettement surélevées par rapport au sol originel. Les deux impacts de gauche pourraient être assimilés à la plaine très tôt asséchée de Laure-Minervois En arrière-plan vue d’un des autres impacts.
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    Fig. 23 - Autre vue aérienne montrant cinq cratères supplémentaires
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    Fig. 24 - Vue générale des 3 cratères majeurs groupés et des 10 autres dispersés vers le sud-ouest en position de pseudo-catena (chaîne, alignement). L’ensemble est cerné par un réseau hydrographique périphérique comme à Marseillette.
     
    Ces impacts sont très jeunes donc bien conservés. Le 6 et le 7b sont séparés par une crête continue résultant sans doute d’une fragmentation finale du bolide que l’on peut rapprocher de la crête décapitée et discontinue des collines de Saint-Frichoux. Les 10 autres impacts confirment cette fragmentation sans doute opérée dans l’atmosphère et sont à rapprocher des nombreux creux ovoïdes, non étudiés encore mais dont nous nous réservons « l’invention » éventuelle, qui s’échelonnent de la cuvette de St-Jean (nord-ouest d’Aigues-Vives) à Montady (vers Béziers) et aussi vers le sud vers Camplong et même au-delà vers les Pyrénées-Orientales. En effet, dans tous ces exemples l’origine éolienne semble par leur morphologie plus que douteuse, toutes ces dépressions étant par exemple déjà actuellement sous la nappe phréatique. En revanche, à la différence de Marseillette, la présence de roches solubles en profondeur pourrait rendre leur identification impossible sans sondages.
     
    En conclusion, Henbury montre sans ambiguïté que le même météore peut se fragmenter plus ou moins loin du sol en offrant des impacts coalescents séparés par des lignes de crête ou des impacts plus lointains vaguement alignés dans la zone généralement dévolue aux éjectas. En ce sens, il présente selon nous d’intéressantes affinités avec Marseillette par sa jeunesse aussi.
     
     
    6-2) Libération d’eaux diluviennes suivant immédiatement l’onde de choc
     
    De plus, un article de Mrs. Salomon-Audy (voir extrait ci-dessous) est très précieux en évoquant l’arrivée d’eaux diluviennes suivant de peu la percussion comme certains marqueurs (anomalies morphologiques) semblent l’indiquer à Marseillette. L’abondance de l’eau libérée, sa puissance de frappe et peut-être sa T° seraient à l’origine des grands glissements de terrains affectant le nord-est de la cuvette-cratère, originaux à plus d’un égard et d’une érosion régressive de quelques ruisseaux serpentant dans les éboulis et malgré tout assez intense pour capturer sur les plateaux des ruisseaux très anciens tel celui des Agals.
     
    Enfin vient le stade des transformations du site (après 2 s). Après la formation du cratère d’impact, il se produit un certain retour à l’équilibre mais avec des répercussions sur les environs du cratère. La surface comprimée sous le centre du nouveau cratère rebondit de façon plus ou moins élastique comme si elle était soulagée d’une très forte pression et forme une bordure en anneau et une élévation... Le matériel des bordures glisse en couverture, formant des replats... La vapeur incandescente provoque d’énormes tempêtes provoquant de véritables déluges de précipitations de telle sorte que le cratère est rapidement rempli… Ces pluies diluviennes engendrent des glissements de terrain dans le cratère, des phénomènes d’érosion sur les remparts et le dôme (peu consolidé)... la formation d’un lac qui laissera des traces sous forme de sédiments lacustres. Les érosions ultérieures effacent pratiquement toute trace topographique du cratère. « Impacteurs et astroblèmes » selon Salomon et Auly
     
    1) Cet extrait se rapporte à des chutes de météorites. Il est bien évident que dans le cas de comètes de plus faible densité, le déluge décrit doit être fortement amplifié par l’apport de glace surtout si l’on admet que le fond de la cuvette impacté présente un diamètre très approximatif 20 fois plus petit que celui de l’impacteur d’après la plupart des auteurs. Dans le cas présent, même en limitant à 10 km les traces au sol de l’aire « bombardée », le bolide devait présenter un diamètre de 350 à 400 m.
     
    Remarque : d’après la loi E=1/2 m.v2 où E correspond à l’énergie cinétique libérée, m à la masse et v à la vitesse du météore, on pourrait penser qu’à volume égal une comète de plus faible densité soit moins "percutante". Or d’après la plupart des auteurs, ce ne serait pas le cas car les comètes seraient nettement plus rapides ce qui compenserait largement le déficit de masse, v étant au carré.
     
    2) L’article ci-dessus met aussi l’accent sur la production quasi simultanée après l’onde de choc de nombreux glissements de terrain à replats fréquents. Nous ne reviendrons pas sur ce qui a été dit au chapitre 3 à savoir leur présence exceptionnelle à Marseillette à la fois dans leur continuité (12 km d’un seul tenant au nord-est) et leur épaisseur (sans doute plus de 25 m). De plus, ils présentent une désorganisation chaotique totale tout à fait inconnue dans la région ainsi qu’une certaine fraîcheur faisant alterner ravins, replats, escarpements, etc. d’allure si récente qu’il est possible que certaines zones n’aient pas encore atteint le stade de paléo-glissements.
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    Fig. 25 - Lieu-dit Birac (129 NGF) au nord-est de Laure-Minervois. Exemple singulier d’un monticule d’éboulis de blocs et galets issus de la terrasse Fw2 (présumée) coiffés par de gros blocs de grès éocènes (superposition chronologique aberrante)
     
    3) L’article parle aussi d’érosion des remparts remarquablement confirmée à Marseillette sur l’extrait suivant.
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    Fig. 26 - Rebord nord-est du cratère. Captures de la tête primitive du ruisseau des Agals, allongé dans le sens de la terrasse Fw2, aux lieux-dits Marin Haut, au nord des Blanquettes et à la Croix Rouge, bien marquées par un angle plus ou moins droit des ruisseaux conquérants issus de la cuvette. Le côté chaotique des éboulis est bien perceptible à la lecture attentive des courbes de niveau de la moitié inférieure du plan (voir notre article « glissements fossiles »).
     
    3- Prospection de la butte 111 NGF dans la continuité ouest de celle de St Frichoux :
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    Fig. 27 - La butte 111 NGF se situe entre les lieux-dits Lagardie et Le Lébat
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    Fig. 28 - Vue aérienne oblique de la butte 111 NGF dégradée par des pistes de cross aujourd’hui condamnées.
     
    Cette butte est une des rares qui a été explorée un peu en détail lors de notre pré-prospection. Comme le montre la photo, elle se décompose :
     
    1) en haut à droite d’une dalle gréseuse continue, inclinée vers l’étang, bizarrement gauchie et surtout perforée d’un grand nombre (au moins une dizaine) de cavités arrondies, ovoïdes, allongées etc. souvent profondes de 5 m voire davantage malheureusement souvent enfouies dans des boqueteaux.
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    Fig. 29 - Rare dépression non boisée résultant semble-t-il d’une perforation des grès de la crête par un impacteur. A noter le pendage de gauche comparé à celui de droite. Pas de traces de résidus allochtones en fond privilégiant un impact de glace ( ?)
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    Fig. 30 - Vue rapprochée de la zone montrant un pendage incliné des grès vers le centre de la dépression quoique coiffés de micro-dalles au pendage conforme aux autres grès environnants.
     
    2) à gauche, d’un talus (protégé du vent marin) déformé de façon aberrante sans doute à la faveur d’arrivées d’eau torrentielles exceptionnelles ayant submergé la crête pourtant en contre-pente.